Suite au communiqué de la CoFAM sur la grippe H1N1 (voir le précédent billet ici), j'ai transmis vos questions (consolidées) au Docteur Marc Pilliot, pédiatre, président de la CoFAM, et expert reconnu sur le sujet de l’allaitement. Il a eu l’amabilité de prendre un moment pour nous répondre. Voici ses réponses :
1. Question: si la maman a la grippe H1N1 mais ne la transmet pas à son enfant allaité, dans quelle mesure est-il ensuite immunisé contre le virus par le biais des anticorps dans le lait? Est-il immunisé dès que la maman n’est plus malade ? Quel est le degré d'immunisation (en fonction de l'âge de l’enfant, du nombre de tétées, etc.)?
Docteur Pilliot: Difficile de répondre de façon précise et quantitative à cette question. Toutefois on peut préciser les points suivants :
- On ne peut pas parler de "degré d'immunisation". On est immunisé ou on ne l'est pas.
- Lorsqu'on est envahi par un germe ou un virus, le système immunitaire met environ 3 semaines à fabriquer des anticorps (nommés IgM puis IgG). Donc la mère allaitante ne donnera des anticorps qu'à partir de ce moment-là.
- Mais la protection du lait maternel est liée à autre chose de beaucoup plus réactif : tous les microbes qui enveloppent la mère et qui sont sur elle vont pénétrer dans son tube digestif. Dès ce moment-là, il y a une réponse spécifique avec une secrétion d'anticorps très particuliers (des IGA) qui vont très vite arriver dans le lait maternel. Cette réaction est appelée le "cycle entéro-mammaire" : ingestion des microbes, passage de la paroi intestinale, stimulation des ganglions de l'intestin, fabrication d'IgA, passage des IgA dans le lait maternel. La réponse se fait en quelques heures. Les IgA du lait maternel vont protéger les muqueuses intestinales, mais aussi les muqueuses respiratoires. Par ailleurs, il y a aussi une protection immunologique non spécifique qui empêche d'emblée l'adhésion virale aux muqueuses. Enfin, l'allaitement maternel protégera aussi contre les surinfections bactériennes.
2. Question: le vaccin et l’allaitement sont-ils compatibles ? C'est-à-dire, est-ce qu’une maman peut se faire vacciner alors qu’elle allaite ?
Docteur Pilliot: Le vaccin de la grippe saisonnière est possible. Tous les vaccins fabriqué à partir de germes tués sont possibles.
Pour le vaccin de la grippe H1N1, on ne sait pas encore :
- Sera-t-il efficace ? On n'en sait rien
- Les adjuvants utilisés très largement dans les vaccins contre H1N1 ne sont pas utilisés dans les vaccins contre la grippe saisonnière : quels sont les risques chez une femme allaitante ? On n'en sait rien.
Donc, en conclusion : le vaccin de la grippe saisonnière, oui ; le vaccin de la grippe A, il faut attendre de savoir. J'aurais tendance à conseiller plutôt un vaccin sans adjuvant, mais il est plus long à fabriquer et il faudra attendre un peu plus.
3. Question: admettons que la vaccination soit compatible avec l’allaitement, est-ce que la vaccination de la mère a un bénéfice pour l'enfant allaité ? Sur ce sujet il y a une grande confusion. Une internaute m’a dit avoir trouvé l’information suivante: le Centre de Références des Agents Tératogènes de l'hôpital Trousseau à Paris (le CRAT),consacre un sous- menu entier à l'allaitement qui dit "Il est possible, voire souhaitable, de vacciner une femme qui allaite contre la grippe A (H1N1) afin de protéger son nourrisson."
Docteur Pilliot: La vaccination de la mère ne protégera pas l'enfant par le biais des anticorps passant dans le lait de la mère. Les vaccins font produire des IgG qui seront fabriqués en 3 semaines ou 1 mois et il faudra peut-être une 2ème injection pour que cela marche.
L'immunité humorale du lait, c'est surtout des IgA.
Par contre, la vaccination permettra à la maman de ne pas tomber malade et de ne pas porter le virus : c'est surtout cela qui protégera son bébé.
4. Question: Le communiqué parle du cas du peripartum : qu’est-ce que cela recouvre exactement ? Est-ce quand la maman est malade au moment de l'accouchement ?
Docteur Pilliot: oui c'est cela
5. Question: faut-il arrêter l’allaitement tant qu’on a de la fièvre (dans le cas où on a une grippe non identifiée)?
Docteur Pilliot: Non, la fièvre n'est pas une indication à arrêter l'allaitement, ni une infection quelle qu'elle soit, ni un traitement par un antibiotique ou par un antiviral. Donc, si la maman a une angine, par exemple, il est préférable de poursuivre l'allaitement. Ce qui est écrit plus haut est valable pour toute contamination infectieuse. La seule infection qui contre-indique l'allaitement en occident, c'est le sida.
Par contre, si la maman a beaucoup de fièvre et si elle est mal, elle risque d'avoir moins de lait momentanément. D'où l'indication de faire des tétées plus fréquentes.
6. Question: est-ce qu’une maman qui allaite un bébé aurait intérêt à donner du lait maternel à un enfant plus grand (3 ans) pour booster ses défenses immunitaires ?
Docteur Pilliot: pourquoi pas ? C'est possible en effet. Mais il faut savoir que la grippe H1N1 semble beaucoup moins grave qu'une grippe saisonnière classique. Il semblerait qu'il y ait environ 10 fois moins de morts avec la grippe H1N1 qu'avec les grippes saisonnières classiques. Finalement, il s'agit bien d'une "grippette". Toutefois, c'est une grippe qui peut être grave chez les femmes enceintes et chez les jeunes nourrissons.
A 3 ans c'est déjà un grand. Mais cela peut être intéressant de mettre un peu de lait maternel (0,3 à 0,4 ml 3 à 4 fois par jour) dans les narines dès qu'il y a un rhume chez le tout-petit comme chez le frère de 3 ou 4 ans.