Nous avons récemment rencontré Marc Pilliot, pédiatre libéral à Roubaix, attaché au Pôle Mère-Enfant du CH de Tourcoing. Docteur Pilliot a depuis longtemps œuvré pour promouvoir en France le label « Hôpital Ami des Bébés », label créé par l'OMS et UNICEF international, non seulement pour l’allaitement, mais plus largement pour la qualité de l'accueil, des soins et de l'accompagnement en maternité.
mamaNANA : Certaines personnes sont gênées par l’idée du label Ami des Bébés, car, après tout, une maternité sans label n’est pas l’ennemi des bébés. Comment répondez-vous à leurs reproches ?

MP : Depuis la Tour de Babel, les humains utilisent des langages différents et ont du mal à se comprendre. La langue d’un pays traduit aussi sa sensibilité et sa façon de vivre sa culture. Pour l’expression des sentiments, la langue française joue l’art du flou et de l’ambigu : c’est plus facile pour séduire et pour marivauder. Ainsi on dira je « t’aime » à sa dulcinée, mais on dira aussi « j’aime » les pommes et les tomates. A ce niveau-là, les anglais sont plus pudiques et plus précis ; ils utilisent deux mots différents : « love » pour l’une et « like » pour les autres.
L’expression « Hôpital Ami des Bébés » vient de l’expression anglaise « Baby-friendly Hospital » (rappelons que ce label a été créé par l’OMS). « Friendly », voilà un mot plein de nuances difficiles à traduire en français : amical, cordial, familier ; cela peut vouloir dire aussi « liant ». Donc cela signifie qu’il s’agit d’un hôpital cordial avec les bébés (et les mamans en sous-entendu, puisqu’il n’y a pas de bébé sans maman) ; cela peut être aussi un hôpital « liant » avec les bébés, c’est-à-dire qui facilite les liens. En français, par paresse de vocabulaire, il a été choisi de dire « ami », au risque de s’exposer à la critique du genre « les autres seraient donc ennemis des bébés ? » On retrouve là l’esprit très binaire de la culture française : il y a le blanc et le noir, sans intermédiaire ; il y a le bien et le mal, la gauche et la droite, etc…
En fait, si on y réfléchit bien, c’est quand même plus sympa et plus « liant » pour un bébé de se retrouver sur sa mère pendant 1 à 2h après sa naissance, sans que personne ne le dérange (sauf en cas de problème vital) : il y a tant de choses fondamentales qui se passent à ce moment-là. C’est aussi plus cordial pour un bébé si tou(te)s les professionnel(le)s de maternité sont suffisamment formé(e)s pour mieux accompagner les mères dans leur choix de nutrition et dans la compréhension des rythmes et des besoins des bébés.
Ainsi, la vraie question n’est pas d’être « ami », ou a contrario « ennemi » des bébés. Chacun fait avec ce qu’il a appris à faire. Certains continuent comme ils ont appris. D’autres ont eu la chance d’être sensibilisés à autre chose et de pouvoir se former de façon approfondie sur la sensorialité du nouveau-né, sur ses rythmes et ses besoins, sur l’accompagnement de l’allaitement… Cela change la façon de travailler et d’accompagner les parents au point que, dans une équipe labellisée « amie des bébés », il devient vite impossible de revenir en arrière et de travailler comme avant.
Vous voyez, il faut écrire plusieurs lignes pour donner toutes les nuances qui se cachent derrière le mot « ami ». Visiblement, nous manquons de vocabulaire en français pour exprimer l’amitié. C’est peut-être pour cela que nous sommes souvent râleurs, aspect de notre culture qui surprend souvent les étrangers.
mamaNANA : Concrètement, en quoi l’accueil du nouveau-né diffère-t-il dans une maternité labellisée ? Quelles sont les mesures mises en place dès la naissance pour favoriser l’allaitement ?
MP : Là aussi, avant de répondre, il faut quelques explications préliminaires à partir des données neuroscientifiques récentes. Le propre de l’humain est d’avoir en plus, par rapport aux autres mammifères, une grande partie du cerveau génétiquement programmée pour être modulée en fonction des informations extérieures. Dans la 1ère moitié de la grossesse, le cerveau du fœtus structure son architecture tout en créant plus de 100 milliards neurones (soit 8 000 cellules par seconde). Dans la seconde moitié de la grossesse, chaque neurone établit 15 000 à 100 000 connexions avec ses voisins : ce sont les synapses qui vont continuer à se développer très longtemps après la naissance. C’est ce câblage cérébral fulgurant et fabuleux qui est modulable en fonction des influences extérieures. Or, depuis 4 à 6 semaines de grossesse, une sensorialité s’est développée au-delà de tout ce qui se passe chez les autres mammifères, au point que tous les sens fonctionnent déjà pendant les derniers mois de grossesse, y compris la vue. Ainsi, par rapport aux autres mammifères, le nouveau-né humain naît dans un état lamentable de motricité qui le rend extraordinairement dépendant, mais il a déjà des capacités sensorielles très performantes qui lui ont permis de « sentir » et de mémoriser « son monde » intra-utérin. Ainsi, le nouveau-né vient « d'un autre monde » dans lequel il a déjà établi des connexions mémorisées : il ne sort pas indemne de la vie prénatale. Pour le nouveau-né, la Naissance est une véritable rupture. Ce sont les sens qui vont créer une « passerelle », une continuité trans-natale : le passage d’un monde à l’autre sera plus facile pour le nouveau-né s’il peut établir un lien sensoriel entre la vie d'avant et la vie d'après.
A nous de respecter ce qui se passe au moment de cette transition fragile et cruciale. Si tout va bien à la naissance, et tout en respectant quelques règles simples de sécurité, on posera le nouveau-né à plat ventre sur sa mère, lui permettant ainsi de retrouver des sensations de sa vie d'avant : la chaleur, la respiration et les bruits du cœur de sa maman, les odeurs, la voix... Il va « entrer en contact » en découvrant le regard de sa mère, de son père. Puis, attiré par l’odeur des sécrétions de l’aréole du sein maternel, semblable à l’odeur du liquide amniotique, il va remonter progressivement vers le sein et se hisser jusqu’au mamelon ; puis il va commencer à téter quelques gouttes de colostrum qui, elles aussi, ont la même odeur et le même goût que le liquide amniotique. Le lien est établi et le nouveau-né, ainsi sécurisé par ses informations sensorielles, pourra plus facilement découvrir son nouveau monde, petit à petit.
L’esprit « Ami des Bébés » respecte cette transition fondamentale et fondatrice des liens. Pour le nouveau-né, la 1ère nécessité n’est pas de se nourrir, mais d’être « en relation ». Le lien établi, il aura alors le loisir d’explorer ce nouveau monde où il débarque, à son rythme et jusqu’à découvrir seul le chemin pour se nourrir. Même s’il ne prend que quelques gouttes de colostrum, cette découverte positive, faite dans la sérénité, sera mémorisée et l’aidera dans son apprentissage pendant les jours suivants. Or, cette séquence comportementale, génétiquement programmée, se développe généralement en une heure, voire beaucoup plus. Il faut donc donner du temps au nouveau-né : vouloir « emboîter » le bébé sur le sein alors qu’il n’est pas prêt, ou bien le séparer de sa mère pour lui faire des soins de routine, c’est rompre ce processus fragile d’adaptation et créer des difficultés au bébé et à sa maman pour les jours suivants. Par ailleurs, ce « peau contre peau » à la naissance a aussi un intérêt médical : augmentation de la libération de l’ocytocine, maintien efficace de la température corporelle du nouveau-né, amélioration de son bien-être avec une très nette diminution de ses pleurs, effet analgésique, meilleure adaptation métabolique, colonisation par la flore bactérienne familiale. Enfin, pour les parents, la reconnaissance des compétences de leur bébé engendre généralement des réactions favorables à l’attachement.
mamaNANA : Quels sont les facteurs clés pour faire évoluer des pratiques d’accueil de nouveau-né fermement implantées, quand des études révèlent qu’elles ne sont plus les « meilleures pratiques » ?
MP : Il est vrai que la Science est « biodégradable » et que certaines vérités d’un jour deviennent parfois obsolètes quelques années plus tard. Les progrès de la médecine conduisent maintenant à une meilleure prise en charge globale du patient, dans le respect de ses choix éclairés, et plus seulement dans le développement des technologies. C’est une remise en question du pouvoir médical que certains soignants ont du mal à vivre.
Par ailleurs, il faut prendre conscience que la naissance et la mort font peur à l’humanité. Les deux sont des portes d’entrée et de sortie très mystérieuses et, dans les deux cas, l’accompagnement est toujours « ritualisé » pour conjurer les peurs qu’elles peuvent générer. A la naissance, pour la femme qui « met au monde », il y a une espèce d’abandon à quelque chose de mystérieux, comme une véritable transcendance : la Vie est là, mais la Mort peut parfois rôder et prendre le bébé, voire la mère. Cette force fait peur car elle ramène l’humain à sa condition d’animalité. Si la femme a peur, ou si elle est mal informée, ou si elle manque de confiance en son pouvoir, elle sera rassurée par la technologie. Pour les professionnel(le)s, la naissance les confronte souvent à des éléments qui échappent à la culture du « scientifiquement prouvé » : l’imprévisible peut survenir à tout moment, l’observation et l’écoute empathiques de la mère font parfois émerger une intuition bien utile, voire salvatrice, et le savoir-être peut devenir plus important que le savoir-faire. Dans ce contexte fortement émotionnel où la complexité humaine peut échapper aux standards, les soignants doivent pouvoir faire le tri entre, d’une part, les données scientifiques qui changent et, d’autre part, les pratiques de routine non scientifiques, mais qui ont valeur de « rituels » sécurisants.
Il est donc bien difficile de sortir de cet imbroglio. Pour faire évoluer les esprits, il faut donc de l’information des parents, de la formation des professionnel(le)s, toujours et encore de la formation, à commencer par les écoles. Mais l’enjeu, pour les soignants, c’est aussi d'arriver à dépasser leurs peurs et leurs doutes, parfois renforcés par des représentations trop sécuritaires du suivi de la grossesse et de l’accouchement.
mamaNANA : Il y a des grandes disparités concernant l’implantation de l’IHAB dans les pays d’Europe, selon l’implication ou non des Ministères de la Santé ou de l’UNICEF. Certaines coordinations IHAB bénéficient d’une structure professionnelle, d’autres coordinations (comme celle de la France) sont entièrement basée sur du bénévolat. Comment renforcer l’engagement de l’Etat français ?

MP : A ce niveau, je suis assez pessimiste. En effet, j’ai mis du temps à le comprendre, ce qui « coince » au Ministère, c’est que la notion de Label n’est pas dans l’esprit de la République : cela voudrait dire qu’il existerait des maternités meilleures que d’autres et, de ce fait, il n’y aurait pas égalité des chances pour les citoyennes. Le raisonnement est du même type pour les écoles de la République. C’est totalement tordu et hypocrite de penser de cette façon car cela ne correspond pas à la réalité du terrain, mais c’est ainsi que les fonctionnaires décideurs ont été « formatés » dans les grandes écoles.
Alors, il faudrait argumenter qu’il y a bien trois niveaux de maternités pour les soins de sécurité à la naissance et, finalement, le Label n’est rien d’autre qu’un niveau particulier d’accueil et de respect des rythmes. Soutenir officiellement l’IHAB serait un moyen de motiver les établissements pour atteindre progressivement ce niveau dans toutes les maternités de France et créer ainsi une égalité des chances, quel que soit le niveau technique. Par ailleurs, il faudrait titiller la curiosité des Pouvoirs Publics avec des notions de finances : le respect des rythmes et des besoins entraîne une diminution du stress maternel et, du coup, aussi une réduction des pathologies. Enfin, il serait utile de taquiner l’orgueil national en soulignant que les meilleures statistiques de Périnatalité en Europe sont celles des pays européens dont la majorité, voire la totalité, des maternités sont labellisées « Amies des Bébés » (Rapport EURO-PERISTAT sur les données de 2010, publié en mai 2013).
mamaNANA : Le taux d’allaitement en France a beaucoup grimpé ces dernières années, et la durée moyenne aussi. Toutefois, il y a encore une grande différence entre la France et ses voisins européens. La France va-t-elle les rattraper un jour ?
MP : Je ne pense pas que la France puisse les rattraper un jour. Par rapport à nos voisins européens, nous avons une culture de non-allaitement et de séparation depuis des siècles.
A Versailles, pour maintenir leur rang social, les femmes confiaient leur enfant à une femme nourricière, puis plus tard à un éducateur. Dès le 16ème siècle, existait un « allaitement mercenaire » avec des nourrices qui quittaient la campagne et leur propre bébé pour « monter » à la ville, chez les nobles et les riches bourgeois, afin de nourrir les enfants de ces derniers : dans environ 2/3 des cas, leur propre enfant mourait à la campagne.
Puis, avec l’essor industriel, le phénomène des nourrices s’est étendu aux classes ouvrières pendant les 18ème et 19ème siècles : l’enfant était « envoyé » à la campagne, mais les voyages dangereux et l’état sanitaire déplorable provoquaient environ 70% de mortalité.
De ce fait, le principe des nourrices mercenaires a été interdit en Europe dès le début du 19ème siècle… sauf en France qui, elle, a poursuivi jusqu’à la moitié du 20ème siècle. En raison de cette histoire très particulière, nous avons vécu une effroyable contradiction vers la fin du 19ème siècle : d’un côté, une mortalité infantile effrayante à cause du marchandage de l’allaitement ; et de l’autre côté, des enfants qui pouvaient rester près de leur mère, grâce à la création de crèches, et être nourri avec un lait de vache sain, grâce aux découvertes de Pasteur. Ainsi, dans l’inconscient collectif français, l’allaitement (par une nourrice) peut entraîner la Mort et le biberon (donné par la mère) permet la Vie. Nous sommes le seul pays au monde à avoir vécu une telle expérience.
A tout cela est venu se rajouter l’influence du féminisme « égalitariste » des années 1950-1960 : combat pour une stricte égalité entre homme et femme car « la maternité est un esclavage, lieu de domination masculine ». Certes ce mouvement a eu de l’écho dans tout le monde occidental, mais beaucoup plus amplifié en France en raison de la forte influence intellectuelle de Mme Simone de Beauvoir à l’époque, et de Mme Elisabeth Badinter encore actuellement. L’effet a été d’autant plus marqué que nous sortions de l’époque calamiteuse du gouvernement de Vichy où le droit des femmes avait beaucoup régressé (Travail, Famille, Patrie).
Enfin, à ces particularités historiques bien françaises, vient se rajouter le manque de formation initiale des soignants sur l’allaitement maternel : une heure de cours pour les médecins, quelques heures pour les sages-femmes et les puéricultrices. Beaucoup de professionnels connaissent les bienfaits de l’allaitement maternel et encouragent les femmes enceintes à allaiter, mais sans savoir les aider après la naissance. Il en résulte des échecs, des impressions d’être forcées, des pertes de confiance en soi, puis finalement des refus d’allaiter lors d’une naissance suivante. Il ne sert à rien de chercher à augmenter à tout prix le pourcentage d’enfants allaités, mais il est fondamental que les femmes ayant choisi d'allaiter puissent mener à bien leur projet, sans difficulté et sans être confrontées à des conseils inadaptés. Là encore, c’est souligner toute l’importance de l’information des parents et de la formation des soignants.
mamaNANA : Vous nous avez dit être très intéressé par le regard du nouveau-né à la naissance. Que représente-t-il pour vous ?
MP : J’ai précisé plus haut que les capacités sensorielles du fœtus lui permettent de ressentir les modalités de son milieu et que, ainsi, le nouveau-né vient d’un « autre monde ». Au moment de la naissance, après quelques minutes d’adaptation, le nouveau-né cherche à ouvrir les yeux et à entrer en relation avec le visage de sa mère : regard concentré, intense, profond ; regard qui transcende et qui joue sur notre émotivité, voire sur notre spiritualité. « On a l’impression qu’il possède toute la Sagesse du Monde » confie une maman. Qui a rencontré ce regard est transformé, sublimé en mère ou en père : « Je me suis senti devenir père à ce moment-là » précise un papa.
Finalement, l’accouchement n’est que la naissance des corps, avec des processus physiologiques qui permettent une adaptation rapide, soumise à notre temporalité.
Mais, au-delà de l’accouchement, il y a aussi une naissance psychique et spirituelle, naissance d’un être humain, d’une conscience, d’une pensée. Il y a passage d’un monde intemporel de globalité et d’harmonie permanente à un monde de discontinuité et de frustrations. Le premier regard du nouveau-né est une passerelle entre ces deux mondes. Pour la maman, il crée un « élan maternel » indéfectible. Pour le nouveau-né, la rencontre d’un autre regard humain l’humanise et le transforme en être de conscience et de pensée, en être de désir.
Lorsque le bébé a été éloigné de la maman pour des soins urgents, les retrouvailles quelques minutes, quelques heures, voire quelques jours après, permettront de récupérer ce qui a manqué. Les contacts corporels, les odeurs, les paroles vont favoriser une reconnaissance réciproque et les regards vont pouvoir se répondre. Mais tout sera plus facile si un échange de regards, même très bref, a pu être facilité avant l’éloignement du bébé. Apprenons à respecter la physiologie de la naissance pour ne pas parasiter ce moment privilégié et permettre, dans les meilleures conditions, un bon démarrage de la relation, de l’attachement, puis finalement de l’allaitement.
mamaNANA : Enfin, vous nous avez également dit être très intéressé par les liens parents-enfant et l'attachement ; avez-vous vu une évolution à ce sujet les dernières années ?
MP : Nos arrière-grands-mères accouchaient souvent à la maison et agissaient avec leur bébé comme elles le voulaient ou comme elles le sentaient : personne ne les critiquait vraiment et la solidarité féminine pouvait les aider. Quant aux grand-mères actuelles, qui ont accouché dans les années 70-80, c’est une génération sacrifiée : conseils d’allaitement inadaptés et favorisant les échecs, culture de séparation et de « dressage » du nourrisson. Mais elles avaient l’avantage de ne pas vraiment culpabiliser : féminisme égalitaire oblige.
Tout est bien plus difficile maintenant. Nous sommes à une époque de normalisation sans bornes. Une femme doit être mince, élégante, moderne, sexy, bonne au lit, bonne cuisinière, bonne organisatrice de la maison, intelligente, performante au travail pour finalement être moins payée que les hommes… Si on écoute les médias, il y a une bonne façon d’être en couple et de jouir… Et si cette femme choisit d’être mère, il faudra qu’elle soit parfaite, aimante, fine psychologue, épanouie et heureuse. Alors, à l’arrivée du premier enfant, les difficultés rencontrées, la charge mentale des soins, parfois l’épuisement, conduisent à une forte culpabilisation et à une perte de confiance en soi. Autrefois, il y avait tout un village pour s’occuper d’un enfant : si la maman craquait, elle n’était jamais seule. Mais, de nos jours, les mères sont isolées et souvent éloignées de leur famille, les grand-mères sont encore actives, les médias mettent la pression, la Société ne sait plus ce qu’est un tout-petit et les notions simples de maternage ont été oubliées.
Pourtant, simultanément, les jeunes mères parlent plus et s’informent plus. Il faut que les parents osent parler aux soignants de leur projet de naissance et de leur désir d’éducation. D’un autre côté, les professionnels commencent à mieux connaître le développement et les émotions de l’enfant, les besoins d’attachement, la fonction parentale. Petit à petit, dans de nombreuses familles, l’approche de l’enfant devient plus nuancée : ce n’est plus, comme autrefois, l’être pervers qu’il faut « dresser » ; c’est encore souvent l’être tout-puissant qui impose les choix de la famille comme cela se voit dans certaines publicités ; c’est parfois, aussi, l’enfant dont on a droit ; mais cela devient également l’être en devenir avec ses rythmes et ses spécificités qu’il faut apprendre à respecter, l’être en devenir qui va grandir à côté de papa et maman qui « grandissent ensemble » avec lui.
Au crépuscule de ma carrière, il me semble percevoir l’aube d’une nouvelle évolution dans la relation entre les adultes et les enfants. Certes, il y a de nombreux soubresauts violents dans notre société, mais les révolutions technologiques, les multiples remises en question de nos fonctionnements sociaux, les évolutions culturelles nous conduisent immanquablement vers une maturation dont on perçoit les prémices. La grossesse, l’accouchement, l’éducation d’un enfant sont des chemins initiatiques… et cela commence à se savoir.
Nous regrettons que le docteur Pilliot soit au crépuscule de sa carrière. Que ses idées et sa vision, bien fondées dans les connaissances scientifiques les plus récentes, trouvent le plus grand public possible !
Quelles sont vos réactions aux mots du docteur Pilliot ? Quelles questions auriez-vous voulu lui poser ?